Picard a toujours été le parfait exemple de l’enseigne « sociologique », celle qui construit son offre, non à partir de son savoir-faire, mais des attentes des consommateurs, le premier étant mis au service des secondes…
On y a ainsi vu fleurir des formats familiaux et économiques, sitôt les premiers symptômes de la crise apparus. Puis, diverses offres exotiques (jusqu’aux sushis) comme autant d’appels à l’évasion alors que l’économie du voyage explosait. L’enseigne propose aujourd’hui une opération baptisée « Simplissime » imaginée à partir du succès en librairie du livre de cuisine du même nom fondé sur une idée simple : des recettes faciles, illustrées par beaucoup de photos « pas à pas » et très peu de textes. La cuisine comme une évidence.
L’enseigne a imaginé un livre de recettes réalisables avec ses produits, poursuivant ainsi sa stratégie consistant à présenter ces derniers non plus comme des plats à réchauffer au micro-ondes, mais aussi comme de possibles ingrédients. « Simplissime ! 100 recettes, 100% Picard », voilà pour l’accroche. Une manière de redoubler l’attention sur ses magasins, d’attirer de nouvelles cibles et de séduire tous ceux qui seraient tentés par l’idée d’explorer le monde créatif de la cuisine sans en maîtriser les gestes. Et la confirmation que le marché de la cuisine évolue actuellement de façon polarisée, à la manière de celui du prêt-à-porter ou de l’automobile, au détriment d’un milieu de gamme de moins en moins investi.
A une extrémité, feu la cuisine moléculaire et le toujours actuel mouvement fooding, pour innover et étonner. A l’autre, une cuisine facile, accessible et accompagnée, pour assurer et rassurer, entre avalanche de tutoriels sur le net et boîtes livrées à domicile avec tous les ingrédients dosés. Entre les deux : les recettes qui se transmettent, les habitudes répétées et les savoir-faire acquis au fil du temps. De moins en moins connus et maîtrisés. Le point commun des deux extrêmes est une promesse de créativité, désormais impossible à négliger. Cuisiner simple ne signifie plus cuisiner « banal » ou « classique ». Au contraire. L’étonnement est devenu une obligation. Etonnement des autres (« comment as-tu fait ? ») et, surtout, étonnement de soi (« je ne m’en imaginais pas capable »). Assurément un des nouveaux moteurs du marketing.