Le Fooding fête ses 25 ans. Comme le temps passe. Les historiens de demain diront qu’il y a eu, en France, un avant et un après Fooding. Avant, c’était les guides Vert et Michelin et les programmes de télévisions culinaires animés par des chefs truculents choisis pour leur accent du terroir. Avec le Fooding, ce fut le triomphe du cool. Une notion encore peu connue au début du siècle qui allait devenir un style de vie jusque dans nos assiettes.
Le cool, c’est la primauté de l’horizontal fraternel sur le vertical paternel, la revanche du petit local sur le géant international, la consécration du geste et du savoir-faire face à l’industrialisation, l’intention comme preuve de sincérité. Un idéal de société fait d’humanité et de bienveillance. Place aux petites assiettes, aux petits producteurs, aux vins tranquilles.
Le Fooding, ce fut d’abord une affaire de vocabulaire et de grammaire. Des mots nouveaux, inventés, riches en imaginaires et, surtout, capables de démoder ceux que l’on connaissait depuis trop longtemps. Une manière d’afficher sa différence. Dîner dans un bristroquet n’a pas la même saveur que dîner au bistrot du coin. Un vin nature ou d’auteur ne raconte pas la même histoire qu’un cépage.
Le Fooding, ce fut aussi une rupture esthétique. Des plats déstructurés, déconstruits, fusionnés qui se sont peu à peu imposés. Graphiques, aériens, photographiables puis instagrammables, ils ont renouvelé les présentations autant que les attentes et permis à une génération de marquer son territoire en déplaçant les lignes.
Le guide du Fooding compte désormais beaucoup de Boomers parmi ses lecteurs et on peut se demander où se situe la relève. Face à un secteur de la restauration qui peine à rester attractif (prix élevés, concurrence exacerbée conduisant à une uniformisation des codes et des propositions, story-tellings « photocopillés »), la vitalité des coffee shops, des vins sans ou low alcool et des boissons fermentées interpelle.
Des formes et des couleurs inédites, un vocabulaire d’initiés, de nouvelles façons de consommer, des esthétiques soignées et renouvelées, des discours responsables : des promesses d’entre-soi qui ne sont pas sans rappeler les origines du Fooding. Sauf qu’aujourd’hui, le mouvement n’est plus aux mains des journalistes spécialisés mais des influenceurs passionnés qui ne cherchent pas à faire mieux, mais autrement. La preuve que notre rapport à l’assiette est d’abord générationnel.
So What ?
Le succès du Fooding vient nous rappeler que ce n’est pas tant l’offre que la relation à l’offre qui est à l’origine des changements. La condition pour que la consommation devienne un style de vie.
