Il y a trois ans, on découvrait le projet La Jeune Rue qui consistait à donner à la rue du Vertbois une identité singulière en confiant chacun de ses magasins à un acteur du fooding associé à un designer. Une belle idée qui a tourné au fiasco avant même de voir le jour. Dommage. Aujourd’hui, on découvre Beaupassage, un « village culinaire » traversé d’allées pavées, à deux pas du Bon Marché, entre les très chic rues du Bac et de Grenelle. Pas vraiment pour tout le monde. Même si l’ambition n’est pas la même, on retrouve ici l’idée de poétiser l’espace urbain en le renommant.
Beaupassage est d’abord un programme immobilier haut de gamme, mais plutôt que d’en faire une cité fermée, il a été décidé d’affecter tout son rez-de-chaussée à des enseignes. Non à des enseignes de luxe comme on l’aurait sans doute envisagé il y a vingt ans (cf. Le Village Royal, rue Royale), mais à des enseignes de la fine fleur de la gastronomie française : fromager, boucher, boulanger, café, complétées par quelques fast-food gastronomiques bien de leur temps. Le sentiment d’exclusivité passe désormais autant par la consommation d’un café rare ou d’une viennoiserie griffée que par l’achat d’un sac ou d’une paire d’escarpins.
Notons aussi la présence d’une salle de sports, incarnation marchande ultime d’un nécessaire surmoi dans un environnement aussi fortement dédié au plaisir et à la tentation. Impossible, enfin, de décrire Beaupassage sans évoquer la présence d’œuvres d’art qui sont autant de signaux forts, présents dès l’entrée. De quoi attirer l’attention et donner un alibi culturel aux visiteurs. L’art associé à la gastronomie comme nouvelle motivation de consommation.
Que retenir de l’irruption de ce passage dans le paysage urbain ? Que l’art se rapproche de plus en plus de l’assiette. Que la nourriture peut générer les mêmes sentiments que les produits de luxe. Mais aussi que les marchés alimentaires sortent de leur habituelle opposition luxe/quotidien pour se structurer autour de deux nouveaux pôles. D’un côté, les petits producteurs et, de l’autre, les créateurs. Ambiance terre et kraft contre ambiance design et mise en scène. Il va falloir s’habituer…