Il y a dans le monde de la restauration de petits changements de rien du tout qui viennent témoigner de leur époque. Ils prennent place dans nos habitudes sans que l’on s’en rende vraiment compte et finissent par ne plus étonner personne.
Le « café gourmand », par exemple, est sûrement né d’un efficace brainstorming mené par un restaurateur désespéré par l’idée de ne plus vendre de desserts à des clients préoccupés par leur poids et leur portefeuille. Le café gourmand réjouit l’homme pressé comme le senior actif. Il donne l’impression de n’avoir renoncé à rien tout en préservant la petite flamme de la surprise qui finira par donner au repas sa touche finale. L’idée était si géniale qu’elle engendra, à l’autre bout de la carte, le rituel de la « mise en bouche », manière de donner l’impression d’être passé par l’entrée pour accéder au plat principal.
Une autre révolution sémantique fut portée par le menu « Terre et mer ». Voici donc l’inconciliable réconcilié dans les assiettes. Pourquoi choisir ? Terre et mer, c’est la possibilité de prendre une viande après un poisson ou l’inverse sans avoir à se poser la question des conventions. C’est aussi une façon décloisonnée d’envisager le monde. Autre « révolution », plus récente, celle des « planches ». Substituer une planche à une assiette ne va pas de soi. C’est faire fi de siècles de fines porcelaines pour laisser la place à une planche en bois aussi paysanne que rustique. En bousculant les conventions, la planche séduit. Elle autorise de manger avec les doigts, permet de prendre place sur les trottoirs (idéal pour les fumeurs, moins pour les piétons), dispense de dresser une table et même de cuisiner. Une vraie planche de salut. La coolitude au service de la préservation des marges. Pas mal.
Conséquence de ce vent de nouveautés, pourquoi vouloir encore prendre le temps de s’asseoir à table ? Vive les « mange debout » qui, eux aussi, viennent réconcilier deux comportements qui semblaient contradictoires. Manger et être debout. Pas pour les seniors, mais pour tous ceux qui ont renoncé au restaurant, mais pas à l’idée d’aller manger dehors. L’oxymore aura beaucoup fait pour la restauration.