Notre époque est friande de mots concepts. Des mots qui expriment des intentions, une manière d’envisager la vie. Il ne suffit plus de vouloir faire quelque chose ou de privilégier telle ou telle valeur, encore faut-il que ce comportement soit encapsulé dans une tendance conçue pour, à la fois séduire, fédérer un maximum de gens et se décliner en « univers produits ». Les préoccupations marchandes ne sont jamais très loin des aspirations généreuses du moment.
Cet hiver, il était ainsi devenu difficile d’échapper au Hygge, mot-concept aux contours flous importé du nord de l’Europe, décrivant une sorte de paresse autorisée, oscillant entre un penchant affirmé pour les peaux de bête, un désir de pantoufles comme signe de résistance et un goût immodéré pour les bougies parfumées et les éclairages tamisés. L’occasion pour nombre d’enseignes de proposer une table thématique à l’entrée de leurs magasins…
Cet été, on risque d’entendre parler de « plogging », encore un mot venu de là haut, néologisme issu de la contraction de plocka upp (« ramasser », en suédois) et de « jogging », bien de chez nous. Ce terme désigne une activité consistant à parcourir un lieu en petites foulées et en profiter pour le débarrasser de ses détritus. Il fallait y penser… Attention à ne pas partir sans ses gants en caoutchouc et à bien penser à plier les genoux pour ramasser afin de ne pas se blesser… Un corps sain dans un décor sain ou l’émergence d’un « running écolo » parfaitement dans l’air du temps, mix de fun et de responsabilité environnementale indispensable à toute action collective contemporaine. Une manière d’aborder un sujet par la face de la légèreté. S’impliquer sans militer de façon affirmée.
Faut-il lire là un des effets de la France d’aujourd’hui portée par un « en même temps » présidentiel ? A moins que cette envie de fun dans toutes les activités de la vie ne soit la conséquence de la légèreté relationnelle infusée par les réseaux sociaux à coups de LOL, d’émoticons et de second degré permanent…