Lorsque La Samaritaine a rouvert ses portes, l’idée n’était pas tant de ressusciter un grand magasin, que de créer un lieu de destination. Dans un premier temps, pour tous ceux qui souhaitaient retrouver le Paris de leurs souvenirs. Peine perdue. Puis, très vite, pour toutes les typologies de touristes qui, pour la plupart, n’y voient qu’un alignement de marques de luxe internationales semblable à celui proposé par les espaces duty-free des aéroports. A la différence près que la Samaritaine n’est pas au pied d’un tarmac, mais au cœur de la capitale.
Paris ne serait-il pas en train de devenir un aéroport à ciel ouvert avec ses flots de visiteurs en transit pour Eurodisney, les châteaux de la Loire ou le Mont-Saint Michel ? Un lieu de passage dédié au shopping et au fooding, déclinés sous toutes les formes possibles, de la street-food aux roof-tops en passant par les pop-ups et les gigastores. Il suffit d’observer la transformation de certains quartiers en centres commerciaux ou la multiplication (récente) des tables dans les cours des musées pour s’en convaincre. Il n’est pas impossible qu’il devienne, un jour (proche), plus désirable de déguster une pâtisserie inspirée par une œuvre que d’aller voir ladite oeuvre dans un musée. Une expérience par ailleurs plus rapide pour tous les voyageurs soucieux du respect d’un programme chargé qu’il faut (forcément) optimiser.
Le Paris patrimonial, concret et historique, fait de monuments, de musées, de mobiler urbain et de quartiers laisse ainsi place à un Paris évoqué, addition de signes, de citations et d’allusions censés assurer le maintien du folklore local. Un décor de théâtre devant lequel se produisent des marques de mode et de luxe qui souhaitent faire oublier leur réalité internationale le temps d’une représentation locale. Un peu à la manière d’une star mondiale qui, ponctuellement, chante dans notre langue pour affirmer sa proximité. Réverbères, colonnes Morris, pavés, boites à livres des quais de Seine, devantures de bistrots sont ainsi aussi bien convoqués dans les rayons de La Samaritaine que dans le flagship Swatch qui vient d’ouvrir sur les Champs-Elysées, où des écrans diffusent même des images recréant l’ambiance d’une rue commerçante…
Toutes les enseignes rêvent de proposer des expériences immersives à leurs clients. Pour certaines, on devrait davantage parler d’expériences allusives.