Il y a peu, on apprenait que le chef star Alain Ducasse s’apprêtait à ouvrir sa première manufacture de biscuits, après celles dédiées au chocolat, au café et aux glaces et un détour par les burgers végétaux. L’épicerie fine s’impose chaque jour un peu plus comme le nouveau prêt-à-porter de luxe et les investisseurs l’ont bien compris. Une trentaine de sortes de biscuits y seront proposées, des grands classiques jusqu’aux plus inattendus par leurs textures, leurs matières premières (notamment des farines torréfiées) ou leurs goûts. Certains seront même dressés à la minute devant le client. Une promesse d’expérience.
On apprenait aussi que l’application numérique La Liste, qui répertorie déjà les meilleurs restaurants du monde, va bientôt lancer un « pastry finder » qui comptera, dès son lancement, 670 pâtisseries d’exception dans 61 pays, qu’il sera possible de retrouver à partir de mots clés (Kouign-amann, Paris-Brest, Pavlova…). A terme, les promoteurs de La Liste annoncent un classement mondial. Vivement demain. Hier, on se rendait dans une ville ou un pays pour découvrir un quartier ou un musée. Désormais, c’est aussi (surtout ?) pour retrouver sur Google Maps un établissement dédié au sucre vanté sur les réseaux sociaux.
Il suffit de remonter une fois dans sa vie la bien nommée rue des Martyrs pour avoir le sentiment de parcourir un chemin de croix marqué par des arrêts dans diverses chapelles de la tentation sucrée. La pâtisserie est bien devenue une religion : un corps symbolique capable de relier et de mobiliser des fidèles. En pleine période inflationniste, de conflits et d’incertitudes planétaires, manger des gâteaux s’affirme comme une compensation accessible. Pas seulement parce qu’ils sont chargés d’un sucre regressif, mais aussi parce qu’ils sont le fruit d’une combinaison rare de connu et d’inconnu. Car, contrairement à ce qui se passe dans le salé, il est ici davantage question de réinterprétation que d’exploration et même, bien souvent, d’hommage rendu en respectant scrupuleusement une recette d’origine. Très rassurant par les temps qui courent.
Par ailleurs, même objectivement chère, une pâtisserie de chef reste accessible et l’expérience associée à son achat viendra sans peine se loger dans les souvenirs et les conversations réelles et virtuelles. Une petite parenthèse enchantée : n’est-ce pas ce que chacun recherche aujourd’hui ?