Jamais le BHV n’aura autant mérité son nom. De bazar, il en est en effet question depuis l’annonce surprise de l’arrivée (cette semaine) dans les murs du grand magasin de l’enseigne la plus décriée du moment : Shein, l’incarnation méphistophélique de la fast fashion. La fast fashion au bonheur des dames. Le choc.
Premier enseignement : c’est le flux, et non les clients fidèles, qui fait désormais la puissance d’une enseigne. Dans le monde d’avant, on parlait de « passage » mais « flux » fait assurément plus techno… Le BHV souffrant à la fois d’un vieillissement de sa clientèle et d’une forme de vide en son sein, espère trouver en Shein de quoi, à la fois attirer les foules et rajeunir ses clients. Le flux, c’est un peu comme la pêche au gros : dans l’ensemble de la foule en transhumance ainsi captée, quelques belles prises dont pourrait profiter l’ensemble du magasin sont à espérer. Qui sait ?
Le flux, c’est l’instant qui prend la décision d’achat et la bonne affaire non programmée qui emporte le morceau. C’est aussi, bien souvent, des achats avec ses potes ou sa tribu, celle-là même qui s’empressera ensuite de porter l’expérience sur les réseaux. Ça fleure bon le phygital. N’est-ce pas pour capter ce flux magique que les enseignes de mode sont toutes aujourd’hui tentées d’ouvrir un café dans leurs magasins quand ce n’est pas de bricoler un event immersif activateur de buzz ?
Second enseignement : l’éthique n’est pas qu’une valeur ou une posture. C’est aussi un catalyseur d’activités. Pour preuve : toutes les marques anti-Shein parties s’installer en face du BHV dans une boutique éphémère. La résistance n’a pas mis longtemps à s’organiser. Solidarité et actions de communication autour d’une valeur commune : la sororité en version marketing. Le lieu éphémère (jusqu’au printemps 2027…) de 200 mètres carrés, dénommé L’Appartement Français en référence à la première boutique de ses initiateurs installée non loin, aurait pu tout aussi bien s’appeler L’autre Bazar puisqu’il accueillera plus de 3 000 références Made in France (décoration, linge de maison, vêtements, jouets) censées prouver qu’il est possible de consommer français sans se ruiner. Un challenge.
Ici, on achètera peut être moins vite que là-bas, mais ce que l’on achètera sera produit ici et non là-bas. Ce sont deux modèles qui s’apprêtent à s’opposer dans le Marais. Les consommateurs sont appelés à voter. Avec leur conscience ou avec leur porte-monnaie.
So What ?
Avec la fast fashion, la question des lieux et des conditions de production est désormais dans tous les esprits. En passe de devenir, pour les marques, l’USP du XXIème siècle. Aucun secteur ne peut plus l’ignorer.
